Analyse financière du TFC : les comptes 2023-2024 passés au crible
Ces derniers jours, la DNCG (Direction Nationale du Contrôle de Gestion) a publié les comptes financiers de l’ensemble des clubs de Ligue 1 et Ligue 2 pour la saison 2023-2024. Nous vous proposons donc une analyse financière synthétique des comptes du Toulouse Football Club.
📊 Pourquoi comparer avec la saison précédente ?
Il est inutile d’analyser les comptes de la saison 2023-2024 sans les mettre en perspective avec ceux de 2022-2023. En effet, toute analyse financière pertinente repose sur une comparaison des principaux agrégats comptables entre deux exercices. La saison précédente sert ainsi de base de référence pour évaluer l’évolution de la situation du club.
🟣 Contexte : 4 saisons pour comprendre la dynamique du club
Le Téfécé évoluait en Ligue 1 lors des deux saisons concernées, ce qui permet une comparaison homogène de ses revenus et de ses charges. Pour donner davantage de profondeur à notre analyse, nous avons également conservé les données des saisons 2020-2021 (Ligue 2) et 2021-2022 (accession en L1). Cela permet de mieux visualiser l’évolution structurelle du club sur les quatre dernières années.
La comptabilité des clubs sportifs présente une spécificité majeure : les joueurs, ou plus précisément leurs indemnités de mutation, sont considérés comme des actifs incorporels.
Concrètement, lorsqu’un club achète un joueur pour 5 millions d’euros avec un contrat de 5 ans, ce joueur impacte le compte de résultat à deux niveaux chaque saison :
- Au titre des charges de personnel (salaire + cotisations sociales)
- Au titre de l’amortissement de l’indemnité de transfert, soit 1 million d’euros par an dans cet exemple
Lorsqu’un joueur est vendu, une plus-value ou une moins-value est enregistrée en fonction de sa valeur comptable résiduelle. Ce mécanisme comptable a parfois suscité des controverses, notamment en Italie, où certaines pratiques ont été remises en question.
📌 Analyse du compte de résultat
Le compte de résultat regroupe l’ensemble des flux financiers ayant affecté les finances du club entre le 1er juillet et le 30 juin de chaque saison.
Commençons par les produits (un article est paru sur notre site pour les analyser en détail sur les dernières saisons), qui enregistrent une hausse de 16,4 M€ entre 2023 et 2024. Trois éléments méritent une attention particulière :
Les droits audiovisuels ont augmenté de 11,5 M€ entre les deux exercices. Les droits TV domestiques étant restés stables, cette progression s’explique par la participation du Téfécé à la Ligue Europa et son excellent parcours dans la compétition, ainsi que par une meilleure position finale en championnat (13e en 2022-2023 contre 11e en 2023-2024). Il faudra cependant surveiller une possible chute lors de la saison 2024-2025.
Les revenus liés aux sponsors et à la publicité progressent de 0,8 M€, ce qui traduit l’efficacité de la cellule commerciale du club. Elle parvient à renforcer ses partenariats et à générer des ressources supplémentaires.
Les recettes les jours de match enregistrent une hausse significative de 3,5 M€. Cette évolution s’explique par un engouement toujours fort du public et des partenaires (notamment grâce à l’exposition européenne) ainsi que par un nombre de rencontres disputées au Stadium supérieur à celui de la saison précédente, avec quatre matchs de Ligue Europa en plus, malgré un calendrier de Ligue 1 allégé de deux journées.
Les autres produits progressent de 0,6 M€, mais les informations disponibles ne permettent pas d’en tirer de véritables conclusions. Il est probable que l’aide issue du partenariat avec le fonds CVC, souvent critiqué ces derniers mois, soit comptabilisée dans cette rubrique.
Passons désormais aux charges courantes de l’exercice, qui enregistrent une hausse de 12,6 M€ entre 2022-2023 et 2023-2024. Cette progression est principalement due à plusieurs facteurs, dont le plus significatif est l’évolution de la masse salariale, en augmentation de 5,7 M€ sur la période.
Cette hausse s’explique par le recrutement de plusieurs joueurs clés lors de l’exercice, parmi lesquels Donnum, Cissoko, Gboho, Cásseres, Magri, Schmidt et Babicka, mais aussi par le renouvellement de contrat de Rasmus Nicolaisen et le retour de prêt de Stijn Spierings, dont la situation contractuelle a également eu un impact sur les charges du club.
Les rémunérations versées représentent, en 2024, 61 % des produits hors mutation, un ratio en baisse par rapport à 2023. Cela témoigne une nouvelle fois de la bonne gestion financière mise en place par le club. En d’autres termes, contrairement à d’autres structures, le TFC ne dépense pas l’argent qu’il ne possède pas.
On observe également une augmentation de 10,5 millions d’euros des amortissements liés aux indemnités de mutation. Cette hausse est directement liée à des investissements plus importants sur le marché des transferts, les montants étant répartis de manière linéaire sur la durée des contrats des joueurs recrutés.
Les honoraires versés aux agents progressent de 1,8 million d’euros. Si ce montant reste conséquent, il demeure nettement inférieur à celui de nombreux clubs comparables. À titre de comparaison, Reims a versé 10,9 millions d’euros, Montpellier 5,6 millions, et Lorient 5 millions sur la même période.
Enfin, les autres charges augmentent de 1,5 million d’euros, mais les données disponibles ne permettent pas d’en identifier précisément la nature ou les causes.
La différence entre les produits et les charges hors mutations constitue le résultat hors mutation du club. Il s'agit du résultat généré uniquement par les opérations courantes de l'activité, sans prendre en compte les transferts de joueurs.
Ce résultat est en amélioration de 3,9 millions d’euros par rapport à la saison précédente, mais il demeure fortement négatif, à hauteur de – 9,8 millions d’euros. Une situation qui n’est pas propre au TFC, puisqu’elle concerne l’ensemble des clubs de football professionnel en France. Le modèle économique est clair : les clubs ont besoin de réaliser des ventes de joueurs pour atteindre l’équilibre financier.
On peut néanmoins noter un certain assainissement de la situation toulousaine, porté notamment par les revenus liés à la belle campagne européenne en Ligue Europa.
Cette logique se vérifie pleinement au Téfécé. Sur la saison 2023-2024, le club a réalisé plus de 20 millions d’euros de ventes de joueurs. Il convient toutefois de rappeler que cette lecture s’arrête au 30 juin 2024, et n’intègre donc pas les cessions intervenues durant l’été suivant, comme celles de Dallinga, Costa ou Mawissa.
Les montants recensés concernent notamment les transferts de Chaïbi, Ratao, Onaiwu, Rouault ou encore Birmancevic. Ces ventes ont permis au club de rééquilibrer ses comptes, comme l’impose le modèle économique actuel du football français.
Cela vient aussi contredire certains discours selon lesquels l’actionnaire chercherait à s’enrichir à travers la vente de joueurs. En réalité, le TFC reste structurellement déficitaire, et les cessions de joueurs sont aujourd’hui indispensables pour assurer son équilibre financier.
Notons également une amélioration du résultat financier, de l’ordre de 346 000 euros, principalement liée au remboursement progressif des dettes financières. À l’inverse, le résultat exceptionnel se dégrade nettement, avec une baisse de 4,7 millions d’euros. Les informations disponibles ne permettent pas d’en identifier précisément l’origine, mais il est probable qu’y figurent des éléments liés à des ruptures de contrats encore en cours (Zanden, Skytta, Bangré, Serber, Begraoui…).
Malgré cela, la saison 2023-2024 s’est soldée par un bénéfice exceptionnel de 7,1 millions d’euros, en nette progression par rapport à l’exercice précédent. Ce résultat semble confirmer les déclarations du président Damien Comolli : le club aurait anticipé une importante baisse des droits TV à venir, en mettant de côté une partie de ses ressources. L’actionnaire n’ayant toujours pas injecté de fonds supplémentaires, l’objectif d’autosuffisance financière reste d’actualité. Il faudra toutefois attendre les comptes de la saison 2024-2025 pour valider ou non cette stratégie.
Analyse du bilan :
Le bilan constitue une photographie de la situation financière du club à la date de clôture de son exercice comptable.
L’actif représente l’ensemble des emplois du club, c’est-à-dire les biens et créances constituant son patrimoine. On y retrouve plusieurs postes significatifs.
Les indemnités de mutation des joueurs correspondent à la valeur d’achat nette des joueurs inscrite au bilan. Ce poste augmente de 7,9 millions d’euros entre 2023 et 2024, en raison d’une campagne de recrutement importante. Plusieurs acquisitions onéreuses expliquent cette évolution, notamment celles de Donnum, Cissoko, Schmidt, Gboho ou encore Babicka.
Les autres immobilisations enregistrent une hausse de 2,2 millions d’euros. Les informations fournies ne permettent pas d’identifier précisément leur nature, mais il est probable qu’il s’agisse d’actifs immobiliers liés aux infrastructures du club, comme le centre d’entraînement ou le centre de formation.
Les créances sur mutations de joueurs progressent de 4,7 millions d’euros. Cela représente 17,3 millions d’euros que le club doit encore percevoir de la part d’autres clubs, suite à des transferts réalisés lors des dernières saisons.
Les autres actifs circulants sont également en hausse, de 7,3 millions d’euros. Là encore, le détail manque, mais il est possible qu’il s’agisse de droits TV à percevoir, notamment ceux liés à la participation en Ligue Europa.
Enfin, la trésorerie du club reste stable, avec un solde de 3,6 millions d’euros au 30 juin 2024.
Le passif représente l’ensemble des ressources mobilisées par le club pour financer ses actifs. Il reflète la manière dont le patrimoine du club a été constitué.
Parmi les éléments notables :
Une hausse de la situation nette de 6,9 millions d’euros, qui atteint désormais 11 millions d’euros. La situation nette correspond aux fonds propres du club. C’est un signal très positif, car cela signifie que le TFC dispose de réserves financières mobilisables en cas de difficultés (comme un défaut de paiement d’un diffuseur, par exemple). À titre de comparaison, certains clubs comme Le Havre, Marseille ou Bordeaux affichaient, fin juin 2024, des fonds propres négatifs de plusieurs millions d’euros.
Les dettes envers les actionnaires (RedBird et Sadran) restent stables, autour de 4,8 millions d’euros. Pour rappel, le club avait bénéficié de plusieurs apports de fonds de la part de ses actionnaires au cours de la saison 2020-2021, pour faire face à une situation délicate. Il continue depuis à rembourser ces montants progressivement.
Les provisions pour risques et charges augmentent de 1,4 million d’euros. Les informations disponibles ne permettent pas d’en identifier précisément la cause, mais il pourrait s’agir de litiges potentiels, notamment liés à des questions contractuelles ou salariales.
Enfin, les dettes financières diminuent de 4 millions d’euros, ce qui signifie que le club a poursuivi le remboursement de ses emprunts, qu’il s’agisse du prêt garanti par l’État (PGE), d’un prêt LFP ou d’autres dettes bancaires. Cela contribue à maintenir une situation financière saine et maîtrisée.
De manière générale, l’endettement financier du club est en recul de 2,2 millions d’euros entre les deux saisons, pour s’établir à –1,3 million d’euros. En d’autres termes, le club n’est pas, ou très peu, endetté sur le plan financier.
Les dettes liées aux mutations de joueurs sont en hausse de 3,1 millions d’euros. Ainsi, au 30 juin 2024, le TFC devait encore 11,9 millions d’euros aux clubs auprès desquels il avait recruté des joueurs.
En parallèle, les autres dettes sont en baisse significative de 14,5 millions d’euros. Les données disponibles ne permettent pas d’en identifier précisément la nature, mais il pourrait s’agir de dettes fournisseurs, fiscales ou sociales.
En synthèse, le club poursuit son développement tout en confirmant le modèle économique mis en place : une gestion autonome, sans dépendance directe à l’actionnaire. L’analyse des comptes 2023-2024 confirme l’absence d’investissement supplémentaire de la part de l’actionnaire, qui gère le club de manière passive, dans l’attente d’une éventuelle plus-value à la revente.
Une chose est certaine : peu de journalistes abordent la situation financière du TFC, pourtant elle fait partie des plus solides de Ligue 1. C’est un point à souligner, et à saluer.