Faut-il qu’elle ait un palmarès pour être fier de son équipe ?
Lors de la réception du Montpellier Hérault Sport Club (MHSC) le 2 octobre dernier (4-2), les supporters du club visiteur, probablement mécontents du spectacle proposé par leur équipe et du nouveau découpage administratif des régions issu de la loi du 16 janvier 2015, ont déployé une banderole « Pour prétendre au trône de l’Occitanie, avoir un palmarès est capital ». Orphelins de leur meilleur ennemi depuis la relégation de Nîmes en 2021, les supporters du MHSC, dans une piètre tentative de créer une nouvelle rivalité avec l’équipe fanion du nouveau chef-lieu de la Région Occitanie, soulèvent la question entre la ferveur et le palmarès. Un lien pas forcément si évident.
Par Christophe Foulquier,
La lose comme étendard
Quatre titres de Ligue 2, une Coupe de France en 1957… En effet, le palmarès sonne creux, d’autant plus lorsqu’il s’agit de celui de la 4ᵉ ville de France. Jusqu’à encore récemment, le TFC était accompagné par le Stade Rennais dans son infortune, le club d’Ille-et-Vilaine n’ayant rien gagné depuis une Coupe de France en 1971. Or, en 2019, l’équipe de Julien Stéphan était couronnée au Stade de France contre le PSG après un match fou (menés 2-0, les Rennais parviendront à égaliser puis à arracher la victoire aux tirs au but). Alors, oui, en étant un peu objectif, force est de reconnaître que le TFC n’est pas une machine à gagner, bien au contraire. Mais doit-on en avoir honte ? Après le déploiement de la banderole, Alexandre Roux, le capo des Indians, criait dans son micro que notre absence de palmarès était notre fierté. Cela peut sembler ridicule mais comment ne pas être d’accord avec lui ?
Au-delà du romantisme à supporter une équipe qui ne gagne jamais, cela renforce paradoxalement l’attachement des supporters envers leur club, lequel sait qu’ils ne sont pas que de passage. Car pour supporter le TFC, il faut avoir une certaine idée de la fidélité…et du sadisme. Il faut avoir encaissé les 13 points en 2019-2020 (sur 28 journées certes, heureusement que la crise sanitaire nous a permis de ne pas figurer dans les records du plus petit nombre de points), l’élimination en demi-finale à domicile contre Guingamp en 2009, et les éliminations en Coupe de France contre des équipes dont on découvrait l’existence (c’est presque une blague quand on y pense) : Versailles (National 2), Rumilly-Vallières (National 2), Saint-Pryvé Saint-Hilaire FC (National 2), Bourg-en-Bresse Péronnas (Ligue 2), AS Moulins (CFA), Lyon-Duchère AS (CFA), SC Schiltigheim (CFA2), Blagnac FC (CFA2), Jura Sud Football (CFA2), US Raonnaise (National 2), SC Toulon 83 (National 1), Montauban FC (National 3) pour n’en citer que quelques-uns dans l’histoire récente.
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse
Mais sans cette lose éternelle, les quelques moments de grâce auxquels nous avons eu droit auraient-ils eu la même saveur : le triplé d’Elmander contre Bordeaux en 2007, les brillantes victoires contre le PSG (4-1 en 2009 et 2-0 en 2016), le but de Pantxi Sirieix contre Valenciennes en 2008, le coup-franc de Bodiger en 2016 ? Le supporter toulousain n’est pas un enfant gâté, il se contente de peu. On ne supporte de toute façon pas une équipe pour son palmarès, mais parce qu’elle joue dans la ville où on habite, parce qu’on entretient un lien filial avec cette affection, ou encore sans y avoir résidé, parce qu’on a apprécié son style de jeu à un moment donné. Mais cette affection ne peut trouver ses racines dans le seul fait qu’elle ait remporté beaucoup de titres, la passion ne se lit pas comme un arrêté comptable.
Le MHSC ne méritait-il pas le respect avant son titre (mérité) de 2012, son palmarès se résumant alors à deux coupes de France (en 1929 et 1990) ? Les supporters lensois ne pouvaient-ils pas déjà légitimement aimer leur équipe avant 1998 et leur tout premier titre, celui de champion de France ?
Si notre absence de palmarès nous permet de continuer à nous tenir éloignés du nomadisme supportériste consistant à changer de club favori tous les 2 ans, tant mieux. Le jour où elle arrivera, la victoire n’en sera que plus belle. Car malgré tout ce qui était écrit avant, nous avons tous envie de partager la joie que doit procurer un titre, pas comme un supporter parisien blasé de leur accumulation, mais avec le plaisir d’appartenir à un entre-soi de puristes.
On se cogne pas mal du trône de l’Occitanie, mais nous pouvons être fiers de ce qu’est devenu notre club en 2 ans, des hommages réguliers au plus illustre de nos supporters chaque 29 septembre, ou de la remontée dans l’élite au début des années 2000 malgré une rétrogradation en National où on ne pouvait même pas jouer dans notre stade endommagé par la catastrophe d’AZF.
Nous pouvons aussi être fiers d’avoir toujours eu une meilleure affluence moyenne au Stadium que Montpellier à la Mosson lorsque les deux clubs ont été en ligue 1, et ce depuis presque 30 ans (saison 1993-1994), malgré la qualité de jeu proposée certaines saisons dans la ville rose, y compris l’année du sacre montpelliérain (lors de la saison 2011/2012, l’affluence moyenne au Stadium s’est rangée au 5e rang de Ligue 1).
En attendant, on n’a pas le palmarès de Montpellier, mais on ne va pas envoyer des pétards dans leur tribune famille ou saccager leur buvette au retour. Et puis à l’aller, on aura gagné 4-2.