Sierro : “Rejoindre Toulouse était le bon choix”, “je suis proche d’une sélection avec la Suisse”
©Lola MachlerSon départ, ses souvenirs, les coulisses, l’interview exceptionnelle de Brecht Dejaegere

Après 100 matchs avec le TFC, 9 buts et 15 passes décisives, Brecht Dejaegere a quitté le Stadium pour rejoindre le Charlotte FC. Avant de rejoindre la MLS - il attend son visa pour pouvoir jouer - l’ancien capitaine toulousain s’est confié en exclusivité sur LesViolets.Com pour expliquer son choix, nous révéler les coulisses des (non) prolongations de contrat et revenir sur ses trois années violettes exceptionnelles. Émotions, révélations, honnêteté.

Brecht, signer au États-Unis, un rêve ?
"Avant d’arriver à Toulouse, j’ai failli signer à Cincinnati, mais ça ne s’est pas fait. J’aime les USA et les sports là-bas, j’ai fait la côte Ouest, je suis allé à San Francisco… Tout paraît plus grand aux Etats-Unis. C’est un rêve d’y aller. Le Charlotte FC est venu début mai sur mon chemin, c’était un signe. Je me suis renseigné sur la ville. C’est un très bon endroit pour vivre et être en famille. Il y a une personne du club qui est venue en Belgique pour nous aider à préparer le déménagement, nous montrer des photos, des vidéos, nous parler de la vie là-bas, comment ils fonctionnent… Ça montre qu’ils me voulaient vraiment. La MLS se développe. La qualité de jeu augmente, je regarde quelques matchs. Ils sont allés chercher de nouveaux joueurs et les infrastructures évoluent dans le bon sens. C’est un environnement professionnel, ça se ressent."

Avant cette signature, ton nom a beaucoup circulé, à Bordeaux, au Havre, en Belgique…
Oui, j’ai pris le temps pour prendre la bonne décision. Ma femme est enceinte, il fallait qu’on prenne un temps de réflexion. En mai, quand Charlotte est venu aux renseignements, on ne se sentait pas trop à l’aise de partir là-bas. J’ai demandé à mon agent un club en Belgique ou en France. Anderlecht m’a contacté, mais c’était un peu compliqué. Al Jazira aux Émirats arabes unis aussi, mais Charlotte est revenu dans la course et j’ai finalement décidé d’accepter leur offre. Ils ont fait un effort financier. En France, Metz ou encore Reims se sont intéressés à mon profil. Mais je me suis dit qu’en Ligue 1, c’était Toulouse ou rien.

Heureusement que tu n’as pas signé à Bordeaux !
Je me sentais très bien à Toulouse, j’ai reçu un nombre impressionnant de messages de supporters sur les réseaux, c’était fou. Je me sentais chez moi et très apprécié ici. Après tout ce que j’ai fait pour Toulouse… Je suis un mec fidèle. Je n’ai connu que trois clubs en 14 ans de carrière, ça veut dire quelque chose. J’ai essayé d’écrire une belle histoire avec le TFC. Les supporters ont fait beaucoup pour moi, donc j’ai fait quelque chose pour eux. Au début, la proposition de Toulouse était d’un an, j’en voulais deux. Le foot aujourd’hui, c’est compliqué et l’âge est à prendre en compte. Je ne voulais pas que tout ce que j’ai fait pour Toulouse tombe aux oubliettes et lire des “Bibiche, tu vas à Bordeaux, casse-toi”. J’ai été si bien accueilli au Stadium… Je sortais d’une saison difficile à La Gantoise. Le TFC et ses supporters m’ont relancé. Quand je sens l’amour autour de moi, je peux faire beaucoup. Je suis un bon joueur, mais avec l’amour je peux être un très bon joueur. Je l’ai senti de suite à Toulouse.

Mais alors, pourquoi ne pas avoir prolongé au TFC ?
J’attendais un contrat de deux ans à Toulouse. Trois ans n’étaient pas nécessaires, car j’avais toujours la possibilité de rentrer en Belgique ensuite. Je me sens bien physiquement. Charlotte m’a proposé deux ans et demi, et la troisième année en option. Dans ce football, aujourd’hui, il ne faut que des jeunes que tu peux revendre derrière. Mais, pour moi, il faut avoir des joueurs expérimentés aussi. J’ai attendu longtemps avant d’avoir une proposition du TFC…

Peux-tu nous raconter les coulisses des négociations ?
L’été dernier, après le début de la préparation, Comolli nous a dit, à Stijn, Branco et moi, qu’il allait revenir vers nous en septembre avec des offres. Puis finalement, il est venu nous dire que ça arriverait pendant la Coupe du monde… Puis en janvier après le Nouvel An… Au final, Branco a commencé à discuter en février, Stijn à peu près pareil et moi, c’était en mars. C’est là où j’ai eu un premier vrai contact pour négocier personnellement. Le président m’a alors dit : “Ce n’est pas parce que je suis arrivé si tard avec toi qu’on ne veut pas te prolonger”. Mais ces conversations, c’est souvent pour te faire plaisir, c’est du bla-bla. Il faut juste être honnête avec moi. Je ne suis pas un mec difficile, ce n’était pas grave si j’étais le dernier des trois. S’il m’avait proposé deux ans, j’aurais prolongé.

Finalement, personne n’a prolongé, y compris Maxime Dupé et Rhys Healey…
Je ne vais pas juger Comolli. Il a sa manière de travailler, ça a déjà payé depuis qu’il a repris le club. Mais il faut avoir un bon mélange de jeunes et d’expérimentés. Quand tu perds tous tes cadres, toute l’ossature, c’est bizarre. Ce sont quand même tes capitaines, ton buteur, ton milieu… Je ne juge pas les gens, mais c’est un jeu dangereux. La data a déjà fait ses preuves, mais parfois, elle n’a pas marché non plus. J’aime beaucoup le coach, Carles. Il a une philosophie de jeu, il est très intéressant. Surtout, quand il est arrivé, j’ai joué de mieux en mieux. Si j’avais su que ce serait lui l’entraîneur, les choses auraient été peut-être différentes. Quand il est arrivé, il m’a fait comprendre que quand j’étais bien, toute l’équipe était bien. Je m’entends bien avec lui, je l’aime beaucoup et j’ai confiance en lui. La seule chose dangereuse pour lui, c’est que ça va être son premier groupe professionnel. Il peut parfois être trop sévère, ou trop gentil. Mais il a la confiance du groupe et c’est un très bon entraîneur.

Comment vois-tu cette nouvelle saison pour le TFC ?
Quand tu quittes un club, tu as parfois l’esprit de revanche. C’est ce qui m’est arrivé avec La Gantoise. Mais pour Toulouse, je ne souhaite que le meilleur au club. Je ne connais pas les recrues, ça va dépendre du début de saison, comment ça va marcher… Je vais regarder ça de près. Ce sont de petites choses qui vont faire la différence : l’entraîneur, les consignes, ses idées… Je ne peux pas vous dire si ça va fonctionner ou non, il faut attendre et observer.

En ce début d’été, Toulouse tourne avec beaucoup de jeunes joueurs.
En France, chez les jeunes, j’ai l’impression que ce n’est plus comme avant. À leur âge, j’écoutais et je travaillais beaucoup. Aujourd’hui, dès qu’ils ont fait un match en Ligue 1, ils se croient déjà grands. Ils sont parfois trop à l’aise, mais il y a de la qualité. C’est à eux de travailler. Techniquement, certains sont très forts. J’aime bien Zuliani. Guillaume Restes, il a de la qualité et une bonne mentalité. Ça va être à lui maintenant de faire une saison complète sans blessure. D’autres vont devenir de bons joueurs, mais sont encore jeunes.

Quel est ton plus beau souvenir avec le TFC ?
La Coupe de France. Imagine dans 30, 40, 50 ans, si le TFC joue de nouveau une finale de Coupe, dans la semaine avant le match, il y aura des gens qui viendront me demander une interview parce que c’est moi qui ai soulevé le trophée la dernière fois… Je fais partie de l’histoire du club. Je n’ai pas eu ça à La Gantoise, malgré 250 matchs disputés là-bas. On a été champions de Belgique, j’avais le quatrième plus grand nombre de passes décisives… Mais je suis parti de là-bas avec une mauvaise sensation. C’est dommage. Là, à Toulouse, ma femme me disait que j’allais faire que pleurer, car je suis un gars très émotif. Mais en fait, non, j’ai profité de tous les moments jusqu’au bout. Il y a aussi eu tous les souvenirs vécus avec Branco et Stijn. La Coupe, la montée, plein de bonnes choses…

Te rappelles-tu de l’état du club à ton arrivée en 2020 ?
Quand je suis arrivé à Toulouse, je me suis tout de suite entendu avec Kelvin Amian. Il m’a de suite dit : “Crois-moi, Toulouse ce n’est pas bon…”. J’ai senti ça la première semaine, mais après, plus du tout. Au final, j’ai senti un vrai lien entre les supporters et les joueurs ces dernières saisons. C’est rare, c’était dingue. Rien qu’en reparlant de tout ça, là, j’ai des frissons. On était tous vraiment unis, même lors des matchs où l’équipe était moins bonne. Même quand j’étais moins bon, pareil, je sentais les supporters toujours positifs. Je me souviens du match à domicile contre Monaco où on a été vraiment nuls, et pour vous, les supporters, c’était une fête, vous avez chanté tout le match. Pour un joueur, c’est magnifique. Et pour moi, le plus surprenant, c’est que le premier match quand je suis arrivé, on n'était que 3 000. Ensuite, je me suis blessé, et j’ai fait mon retour contre le Paris FC, le Stadium était complet. On avait plus de spectateurs sur ce match de L2 que certains matchs de L1. C’était un truc de fou. Le Stadium plein, de beaux supporters, les bons résultats, je n’avais plus vécu de telles sensations. On se sentait vraiment comme une famille, je me suis senti super bien lors de ces trois dernières années.

Brecht Dejaegere / Jordan Veretout / TFC OM

Sur le terrain, comment ressentais-tu cette ambiance ?
Je me souviens du match contre Marseille, les gens me disaient : “Ah oui Brecht, tu vas voir ça va être complet, mais plus de la moitié seront pour Marseille”. Je me disais : “Ah putain, ça c’est chiant”… Mais au final, on a marqué assez tôt, et là, putain, je revis encore quand le Stadium explose. J’en ai des frissons ! Ce jour-là, on avait fait une super première mi-temps. C’est vraiment dommage qu’on n’ait pas eu de résultat. C’était assez exceptionnel ce match. Mais bon, l’arbitre était vraiment nulle. C’était vraiment un truc de fou, madame Frappart…

As-tu un regret ?
J’ai un seul regret, c’est que je n'ai pas acheté de maison à Toulouse. Vraiment ça me donnait envie, c’est là où mon fils a le plus vécu, c’est sûr et certain qu’on va revenir. La saison aux USA va s’arrêter, on va revenir directement en novembre et décembre. C’est une très belle ville. Et pour le sportif, aucun regret.

As-tu été surpris du départ de Philippe Montanier ?
Non, ce n’était pas une surprise. J’entendais déjà ça dans les couloirs en février. Il y a quelque chose que j’ai détesté, ce sont ceux qui disaient que je ne pouvais pas jouer plus de 60 minutes. Mais ça, c’est Montanier qui me sortait tout le temps à l’heure de jeu. Je me souviens d’un match où je fais une passe décisive, et le premier changement, c’était moi. Je n’ai jamais senti que Philippe avait confiance en moi. J’ai besoin d’amour, je suis capable de jouer plus de 60 minutes. Sur la première saison où il était entraîneur, après 10 matchs, j’en suis à un but et 4 passes décisives. Après ça, j’ai fait deux matchs pas terribles et il m’a changé de position. À la limite, ça, pas de problème, je sais m’adapter. Puis il m’a remplacé deux ou trois fois consécutivement. Là, je suis allé le voir pour lui dire : “Écoute, je sors d’une période où je suis en forme, et après un mauvais match, tu me changes. C’est un gros coup au mental, surtout que je suis capitaine, que je dois enlever le brassard pour le donner à Max Dupé quand je sors, c’est chiant…”. Je ne suis pas trop un mec qui va souvent parler avec le coach. Mon éducation, c’est le terrain, c’est la seule vérité. Mais j’avais l’impression qu’il n’avait pas besoin de moi, alors que j’étais capitaine. Ensuite, en Ligue 1, je voyais qu’il voulait mettre Fares titulaire. Il avait fait une très bonne préparation, et il est titulaire au milieu de terrain contre Nice. Je suis capitaine, tu ne me mets pas titulaire pour un joueur qui n’a pas encore un seul match professionnel. Il n’avait pas confiance en moi. Je méritais de jouer avec tout ce que j’ai fait pour le club. J’ai dit au coach : “D’accord, je vais bosser, dis-moi ce que je dois faire pour que tu me fasses jouer”. On a parlé… mais encore une fois, je n’ai jamais vraiment senti sa confiance. Début 2023, contre Ajaccio, je marque et je fais une passe décisive. Et il me sort. Après les gens pensent que je ne peux jouer que 60 minutes, mais ce n’est pas vrai. Moi, je suis un bon joueur, avec l’amour du coach, je suis un super joueur. On a aussi l’exemple avec Branco, la première année sous Garande, il n’était pas si top, le coach ne croyait pas trop en lui. Sous Montanier, il s’est révélé avec la confiance du coach. Quand t’as un coach qui croit en toi, tu vas jouer au-dessus de ton niveau normal.

Finalement, tu as quand même beaucoup joué et retrouvé ta place dans le 11 titulaire.
Oui, et quand Carles est arrivé, ça allait mieux, je me sentais très bien. Je n’ai aucun problème pour adapter mon rôle si ça permet à l’équipe de gagner. Parfois, je suis trop honnête et poli pour ce football. Je me sacrifie toujours pour le bien de l’équipe. Quand j’étais blessé en Ligue 2, je ne savais pas comment aider l’équipe. J’ai proposé à Comolli de faire les déplacements, juste pour être là. On avait un vestiaire assez silencieux. J’aime prendre la parole et je suis toujours positif. Je me disais que ça pouvait aider.

Comment as-tu vécu la fin de saison, qui a été rythmée par les polémiques ?
Le maillot arc-en-ciel, pour moi, c’était vraiment une tempête dans un verre d’eau… La politique et le sport doivent être séparés. On parle de respect, on doit aussi respecter certaines philosophies et croyances. Tu peux aussi répondre que ceux qui ne mettent pas ce maillot, ils ne respectent pas tout le monde… Le monde est déjà assez compliqué. Il faut être positif, respecter et accepter tout le monde. De l’intérieur, dans le groupe, on n’a pas mal vécu ce moment. C’était surtout la presse. On est toujours restés comme une équipe, solidaires, sauf avec Rasmus. Là, c’était le truc le plus dur, car il a menti à ses coéquipiers. Je n’ai pas accepté ça, je le lui ai clairement dit. J’ai vu qu’il a continué de mentir, avant de parler devant tout le groupe. Je suis un mec qui accepte et je l’ai soutenu de nouveau ensuite.

D’ailleurs, qui vois-tu comme nouveau capitaine ?
Ça, c’est super difficile ! Le vestiaire toulousain est poli. Ça va dépendre des choix du coach. Est-ce que Rasmus (Nicolaisen) va jouer avec Antho (Rouault) ou Logan (Costa) qui, je trouve, est vraiment monté en puissance ? Moi, j’aurais dit Rasmus, mais avec les problèmes qu’il a pu avoir avec ses jeux, tu ne peux plus le faire, car tu ne peux plus compter sur lui. Il a un peu perdu la confiance de l’équipe, même si après il s’est excusé. Je ne sais pas si Casseres peut l’être, mais je le vois titulaire certain, lui. Anthony Rouault peut être la meilleure solution, mais il va peut-être partir, comme Mikkel. Gabriel Suazo ne parle pas français et ne maîtrise pas assez l’anglais non plus, même s’il a la bonne mentalité pour être capitaine. Au milieu, Vincent Sierro va-t-il être titulaire ? Je ne sais pas…

Stijn Spierings / Brecht Dejaegere / Branco van den Boomen / TFC AJ Auxerre

Comment allez-vous vivre votre amitié à distance avec Stijn Spierings et Branco van den Boomen ?
On est sur Whatsapp, on se parle beaucoup. On s’appelle en vidéo une fois par semaine. Notre groupe va rester pour la vie. C’est dommage de ne pas continuer ensemble. C’était un package… J’ai déjà dit à Stijn qu’il devait me mettre de côté des places pour la Champions League quand je vais revenir à l’automne ! En plus, Lens, ce n’est pas si loin de chez moi en Belgique. Je lui ai proposé de louer ma maison pour 5 000 euros (rires). J’espère aussi revenir en décembre à Toulouse au Stadium.

As-tu un dernier mot pour les supporters ?
Putain, qui aurait pu imaginer en 2020 que j’allais avoir cette expérience et la possibilité de soulever deux trophées ? C’était magnifique. Vous êtes devenus une famille, les supporters. On va se revoir dans le futur.

Vous pouvez retrouver les commentaires de l'article en bas de cette page.